« Ka-mé-ha-mé-haaaa! » Goku.
Chopé par hasard dans un dépôt vente, au départ sans grande conviction, j’étais plutôt motivé par son prix peu élevé. Mea Culpa. Après la première écoute, je ne me suis pas fait prier pour pousser le bouton « play » une fois de plus. Pas déçu donc et même très agréablement surpris :
Les six rappeurs ont chacun leur(s) propre(s) style(s) et les prods cartonnent. Sur l’album se côtoient rap, reggae, ragga, zouk, r’n’b, soul, beatbox, bossa nova ainsi que quelques ovnis. Les thèmes abordés, que ce soit la drogue, les cons, le racisme ou l’égotrip semblent peu novateurs me direz-vous. Que nenni, c’est à la forme qu’il faut faire attention, les textes sont intelligemment écrits et tout le crew se prête à l’exercice (sur La Preuve Par 3 ou L’Abécédaire des Cons, par exemple). C’est un album original de par sa fantaisie qu’on aime ou non, c’est une certitude.
Alors que je retournai la pochette (très réussie au passage, quoiqu’un poil kitsch) pour connaître l’année de sortie du disque, quatre chiffres vinrent caresser ma rétine : 1999.
Quoi? Pardon?
« Et oui mon bon môsieur, 1999 ». Il convient alors de recontextualiser. Le rap français de l’époque commençait sérieusement à donner dans le constat amer sur fond de violons et de piano (IAM, NTM, Shurik’n …), mais ça, ce n’est pas pour eux. Le Saïan est un groupe positif, plein d’humour et voilà leur force : imposer une légitimité hip-hop (« peace, love, unity and having fun ») malgré sa musique riche et hors formats.
Il m’a paru difficile de choisir les chansons dont j’allais parler dans cette chronique (il y en a une vingtaine). Je me suis donc posé deux conditions. Elles doivent comporter, dans la mesure du possible, les six MCs afin de mettre en lumière les capacités du collectif ET je dois les affectionner particulièrement de façon totalement subjective :
– Raz-De-Marée : Premier véritable titre de l’album, si on passe outre l’intro. Ici, tout le crew se lance dans un égotrip dansant au refrain imparable sur une instru signée Féniksi (un des saïans). Une parfaite entrée en matière. Un hymne pour le groupe et ses fans.
– L’Abécédaire des Cons ou « l’exercice périlleux » comme dirait Leeroy est un rap qui joue avec les sonorités de l’alphabet. C’est couillamment risqué et réussi avec brio.
– La Preuve Par Trois, un des morceaux « sérieux » de l’album. Il traite du racisme à travers une série de clichés ethniques. Malgré son refrain quasi-dramatique chanté par Samuel, les stéréotypes énoncés apportent une touche humoristique, notamment pendant les couplets de Sly et de Vicelow.
– J’adore ça doit être ce qui se rapproche le plus d’un hip-hop conventionnel, au niveau de l’instrumental surtout. Or, voilà une impressionnante démonstration de flows. Un à un, Féniksi, Leeroy, Sly, Specta et Vicelow démontent la prod, avec une mention spéciale pour le pénultième.
– La chanson éponyme qui clôt l’album est un hommage à KLR, membre du collectif décédé en avril 1999, sur fond de bossa nova. Émouvant, mais pas larmoyant, il en ressort même quelque chose de positif (« C’est pour ça qu’on rit aujourd’hui, on pleurait hier »).
Si l’album a un défaut, c’est le suivant : Il est impossible de comprendre tous les textes d’une seule traite. Il est nécessaire d’écouter l’album plusieurs fois ou de l’écouter avec le livret et encore, il va falloir lire vite. Les flows sont parfois trop rapides et particuliers ou alors c’est le texte qui pose problème, au niveau de l’abondance d’assonances et d’allitérations notamment. Mais pour le reste, c’est un sans faute.